Un livre sur le légendaire président de l’Élan Béarnais Pau-Orthez est sorti début octobre, écrit par Gérard Bouscarel, ancien journaliste à La République et L’Éclair des Pyrénées puis directeur sportif du club. En voici quelques extraits pour vous donner l’eau à la bouche.PIERRE SEILLANT, UN HUMANISTE(…) D’abord, il jouit d’une santé de fer. Quatre à cinq heures de sommeil lui suffisent pour réparer la mécanique, pour refaire une santé physique, morale. C’est Jacky Commères, un modèle de coach assistant, qui lui dit un jour,
«vous n’êtes pas fait du même bois que nous. Vous n’êtes jamais enrhumé, je ne vous ai jamais vu mal fichu.»C’est un atout majeur dans le jeu d’un président qui est aussi assureur de métier et qui, la moitié ou presque de sa carrière, vient au quotidien à Pau en partant d’Orthez. Cela dit, sa voiture est aussi un second bureau, un labo plutôt. Il y analyse les infos de la journée, dissèque les idées, révise les projets, au besoin il s’arrête et note sur des «Postit», de couleur toujours, et au feutre, noir surtout. Au Palais des Sports quand il descend de son auto, c’est au nombre de ces petits papiers collés sur son inusable agenda que l’on mesure l’humeur du prési. Mais le risque de dépression n’est pas énorme, il a en général, pour ne pas dire toujours, le sourire de quelqu’un qui arrive heureux au bureau.
Peut-être le lundi matin fait-il exception à la règle. Le boss a eu, au calme de sa maison de Sainte Suzanne, tout le week-end pour penser, réfléchir, prévoir, orienter, réorienter. Il a seulement sacrifié à la tradition dominicale d’un cigare-armagnac devant son poste de télévision et un match, de rugby si possible. Il n’a pas d’ordinateur, tout est stocké dans la mémoire de l’homme. Bref il a beaucoup de choses en tête et c’est le premier sur lequel il tombe en arrivant au Palais qui va prendre le relais… Claude Bergeaud a sa tactique, quand la Mercedès se gare, il prend le téléphone… Mais ce n’est que partie remise.
Et ce n’est qu’un jeu. Puisque Pierre Seillant ne se défausse jamais totalement d’un dossier, il garde toujours un oeil sur l’évolution des choses, à plus forte raison quand celles-ci relèvent du domaine sportif. Non pas qu’il n’a pas confiance, simplement sa curiosité déborde, sa passion éclate à tous les étages de ce qui se fait dans l’antre de l’Élan… C’est aussi sa manière de montrer l’exemple puisqu’il n’est pas question que quelqu’un travaille plus que lui… «Ce club c’est sa vie» dit un jour Freddy Hufnagel revenu à l’Élan en 1995 et parfait trait d’union entre les deux époques du club. On l’a vu, pour définir son attachement à l’Élan Pierre Seillant use d’expressions fortes venues de ses entrailles. Le père des deux magnifiques filles que sont Marie Béatrice et Anne a-t-il trouvé à l’Élan les fils qu’il n’a pas eus ? Beaucoup de ses proches le pensent. C’est ce qui explique aussi qu’il soit magnanime, indulgent. Il a du mal à se fâcher avec les gens. Il préfère de loin les bons gros coups de gueule qui font du bruit mais ne laissent pas de traces. Celui du Palais, un soir de demi-finale contre le Mans, avec Jerry Mc Cullough, à la mi-temps, est resté dans les mémoires. L’orage éclate ce soir là où, dit-on, le prési ne parla jamais aussi bien l’anglais. Une fois passé le soleil brille, radieux et l’Élan champion… En revanche, si la rupture est rare elle est définitive et sans appel quand elle survient. Jamais il ne pardonne ni ne pardonnera à Michel Gomez d’avoir quitté l’Élan comme il l’a fait en l’amenant devant les tribunaux. (…)
TROIS POSTERS À L’US ARENA…Invité par Gheorge Muresan à Washington, Pierre Seillant s’y rend quatre jours en février 95 avec votre serviteur. Quatre jours c’est trois matches à domicile. Un seul entraînement. Une foule d’obligations. 150 ballons à signer par toute l’équipe, le matin, pour un donateur, 30 maillots à dédicacer l’après midi, pour une visite dans une école. Gidza est en mode NBA un homme pressé que l’on dépose au match en limousine blanche. Qui possède son fan club. Ses affichettes aussi, «Big George».
C’est une star, une vraie. Avec ses gardes du corps. Ses costumes trois pièces. Son carnet de rendez-vous. Son courrier de ministre. Seuls les membres du fan club ont droit désormais à ses autographes. Il a consenti une entorse au règlement pour répondre à la gentille lettre de l’école Jean Moulin de Jurançon. Pour une bonne cause, il accepte à la télévision dechanter un chant traditionnel de Noel en roumain. Et puis il tourne un film, «My Giant», avec Billy Cristal. Il joue le rôle de «Dédé le Français». Son propre rôle.
«C’est un business» confie-t-il à son hôte. Il touche 5,5 millions de dollars sur 4 ans. Bill Sweek, l’ancien entraîneur de Monaco et Liliana, sa femme, gèrent ses affaires.
Chez lui, au 1310 Pleasant Meadow Road, c’est par contre un bunker. Lucky, un énorme dogue allemand monte la garde.
Ce soir là, 27 février, c’est l’anniversaire de Pierre Seillant. Gidza a réservé sa soirée. Il a invité la famille Sweek, Kenny Grant, une petite voisine et un agent littéraire, venu négocier les droits de sa biographie. Son petit mot plein de reconnaissance, en français, est touchant. Il offre à son prési, un pin’s en or des Bullets. Il parcourt avec lui le press book de son passage à l’Élan. Sur l’ordinateur, Kenny Grant est allé chercher l’hymne de l’Élan, celui que chante Michel Etcheverry. Quand il raisonne dans la pièce, Gidza n’en croit pas ses oreilles. Il se lève, rit franchement et marque la cadence. Il est heureux comme un gamin.
Le lendemain jour de match à l’US Air Arena, Pierre Seillant déjeune dans le salon d’honneur des Bullets, le Capitan’s club. Tout au champagne. Il est arrivé par l’entrée «Stars and Stripes», celle des VIP. Le couloir est en boiserie fine et brillante. La moquette y est épaisse. La lumière filtrée. Deux hôtesses l’escortent. Trois posters, sobres mais élégants, ornent le mur. Celui de Ronald Reagan en visite. Celui de Tina Turner en concert, la cuisse dénudée. Celui de Gheorge Muresan que le Shaq essaie de contrer… Pierre Seillant s’arrête. Son coeur s’est emballé…
L’EUROPE, LA MORT«Tu as fais le forcing pour le faire venir… Et s’il n’était pas venu ! Peut-être que rien ne serait arrivé. Cette idée hante mes nuits sans sommeil.» Cette fois là, la seule, pour de bon, Pierre Seillant pense rendre son tablier, renoncer, se consacrer uniquement aux assurances devenues son métier.
Dave Russell vient de se tuer. Au volant de sa voiture, dans un virage, à Castétis. Il bruine à l’aube de ce 28 décembre 1977. L’auto va trop vite. Elle s’enroule autour d’un arbre… La veille, l’Élan lui souhaitait son 24ème anniversaire. Dave avait poursuivi la fête, à Pau. Il n’avait pas bu.
La mort invite Pierre Seillant à traverser le pays de l’horreur. Ce coup de fil du pompier Michel Laudumier, qui glace le sang, à 4 heures du matin :
«Pierre, un de tes joueurs américains vient de se tuer»…Une semaine s’écoule, longue, laide. En ces périodes de fêtes, ambassade et
consulat américains fermés, la dépouille de Dave reste 6 jours à la morgue. Ses amis, basques espagnols et béarnais, lui rendent un hommage poignant dans l’église de Départ. Le corps a été posé dans un cercueil à hublot, pour qu’au retour, ses parents le voient une dernière fois. L’obsession est terrible,
«et s’il n’était pas venu…»Jay, son frère, vient le chercher pour le dernier voyage au pays. C’est lui qui insiste pour que Pierre Seillant ne laisse pas tomber. Pour qu’il continue, en
souvenir de Dave.
Dave Russell, est arrivé de Saint Sébastien, du club de l’Askatuak, à Orthez quelques mois plus tôt. José Gasca, l’entraîneur-bondissant du club basque
préfère le voir jouer chez son ami Pierre Seillant plutôt que de le voir passer chez l’ennemi, le Réal de Madrid. Gasca a eu le nez fin en allant chercher, ce bel athlète blanc, solide, blond, au sortir de l’université de Shepherd. Il y détient deux records : 56 points sur un match, 22 paniers sur un autre… Il est racé, doué, il porte beau et le panier agit sur lui comme un aimant.
«C’était un très joli joueur», les années passent, l’émotion demeure.
En novembre, un mois auparavant, l’Élan de Jean Luent, avec Dave Russell a disputé ses deux premiers matches de coupe Korac face à Badalone.
L’Europe, c’est une consécration pour l’Élan. Elle est là et le club est dans la peine.
Soyez Champions Avec Nous !!!